Roucas Toumba

Eric Bouletin - Roucas Toumba

Au pays de Giono… portrait d’Eric Bouletin, domaine Roucas Toumba


Eric Bouletin est né ici, à Vacqueyras. 

Il aime viscéralement cette terre, ces villages, ces sols si typiques de la garrigue. Ce paysage « à la Giono » dont il semble avoir tout lu.
Le patois local ? Bien sûr qu’il le parle. « Avec les fantômes », ajoute-il, la fossette rieuse.
Un humour qui pique, une sensibilité à fleur de peau.

Difficile de cerner ce vigneron qui semble bien solitaire, et qui ne se déride qu’une fois au milieu de ses vignes. Tout en surveillant la montée de sève bien précoce cette année, il nous raconte, l’air de rien, son histoire. Un papa parti trop vite, et le voilà dans les parcelles familiales à 16 ans.
À cette époque, tout son raisin part pour la cave coopérative de Vacqueyras. Ce sont des vignerons du coin, chez qui il a fait ses classes qui, peu à peu, l’ont poussé à prendre son indépendance à la fin des années 1990.

Aujourd’hui, Eric possède 16 hectares. Tout est cultivé en bio, la question ne se pose même pas.
Enfin, si, ça démange quand même : dans cette région aux traditions séculaires, il est loin d’être automatique, ce passage à des vins plus naturels…
« Moi je ne suis jamais tranquille. Je ne peux pas vendre si je sais qu’il y a eu du désherbant ».
Une passion pour la nature, qu’il a développée à travers des lectures, mais aussi exprimé avec le dessin : aquarelle, encre de chine… Il a passé des heures à essayer de représenter un sous-bois, des montagnes…

Ses vignes, c’est à la fois l’école maternelle et la maison de retraite.
Les plus vieilles sont de 1915. Il rit : « Oui, bon, OK, là, je fais dans le social ! ».
Mais ses vignes, ce sont aussi ses élèves : « C’est comme pour une classe… On voudrait tous les emmener le plus loin possible, mais on sait que c’est impossible, que tous sont différents, et qu’il va falloir, dans la mesure du possible, s’adapter à chacun ».

La nuit est tombée, on est rentrés de notre tour des vignes. On se faufile dans la cuverie, qu’il a entièrement fait construire en 2011. Il l’a pensée pour être gravitaire, sur une pente donc, pour éviter de trop triturer les jus aux vendanges : ici, pas besoin de pompes.
On s’y engouffre et on descend les étages, pour arriver aux fûts, et on entame la dégustation de certains vins encore en élevage : les Syrah et Mourvèdre 2015, mais surtout ce Grenache, qui vient des coteaux de Cabassol… Incroyable.
Des notes chocolat, une robe noire… on voudrait y rester.
Et Eric, de se faire tout timide devant notre enthousiasme : « 2015 était vraiment un beau millésime ».

Une timidité quand il s’agit de lui – il est toujours abasourdi d’apprendre que l’on peut trouver ses vins sur la table d’un restaurant étoilé ! – une farouche conviction quand il s’agit de défendre cette terre qu’il aime tant… Un paysan poète comme on aimerait en croiser plus souvent.

Texte élaboré en collaboration avec Aurélie Soubiran