Closeries des Moussis
« Vous avez vu mes deux tracteurs ? » : accueillis par Pascale un dimanche gris de décembre, le ton est donné. Les tracteurs, ce sont deux chevaux de traie, qui attendent gentiment leur prochaine ration de foin.
Oui, ici, rien n’est motorisé : « On a eu un tracteur, qu’on avait récupéré d’occasion, quand on s’est installé. On l’a regardé un an, sans savoir quoi en faire… On ne s’en est jamais servi. » Derrière une apparente naïveté, Pascale est loin d’être la perdrix de l’année. Bien sûr qu’elle savait quoi en faire de cet engin, elle cette fille d’agriculteurs de Charente.
Mais pour à peine 2 hectares de vignes disséminées en 5 parcelles plus ou moins régulières, très vite, le constat est là : le cheval est le meilleur des outils. Pour ne pas tasser les sols, pour s’adapter à des interrangs tous différents, pour apporter une fumure animale… pour plein de raisons en fait.
Pas de prêche dans la bouche de Pascale, jamais. De sa voix douce, elle explique ses choix, ses convictions, et admet que ce qu’elles ont mis en place depuis leur installation, avec Laurence, n’est pas forcément bon pour un autre.
Laurence et Pascale sont cartésiennes : leurs formations scientifiques en attestent, l’une diplômée oenologue, l’autre ingénieur en environnement. Si le respect de la nature et le travail des sols ont été dès le départ une évidence, elles ont fait leur chemin à leur rythme vers une culture de plus en plus tournée vers le vivant.
« Quand tu entends quelqu’un parler de la biodynamie, ça fait un peu peur ».
Mais, poussées par la curiosité, les deux complices ont décidé de se pencher sérieusement sur la question par le meilleur des tests qui soient… la dégustation. C’est donc par le goût qu’elles sont venues à la biodynamie. Elles ont gardé 6 rangs de vigne en culture biologique traditionnelle. Et en peu de temps, la différence est extraordinaire : le système racinaire est beaucoup moins développé, le port du pied de vigne n’a pas du tout le même profil.
Une simplicité touchante, pour cette vigneronne dont 100 % des vignes ont gelé en 2017. Pas de larmes, mais l’envie d’aller toujours plus loin, de pérenniser ce projet fou de faire du vin bio dans une région très accrochée au conventionnel. D’ailleurs, quand elles ont créé leur domaine de toutes pièces, il y a neuf ans, hors de question de prendre un nom de château : comme elles sont toutes petites, au milieu de ces immenses propriétés du Bordelais, elles décident de s’appeler « Clos ». Mais comme elles n’ont pas une seule parcelle d’un seul tenant, et qu’elles sont deux femmes, ce sera au féminin pluriel. Elles choisissent d’y accoler « Moussis », clin d’oeil à ces petits arbustes des Charentes.
Le petit arbuste sauvage au milieu du grand verger… Le domaine des Closeries des Moussis était né.