Domaine de Montcalmes
Ce bourru au coeur tendre.
Fred, c’est un paysan, un vrai, qui te toise de toute ta superbe de citadin(e), et qui te fait vite ressentir qu’il a pas que ça à faire, hein, que de répondre à tes petites questions.
Mais dès qu’on discute un peu, que l’on entre dans le vif du sujet – son histoire oui, mais surtout, la vigne, le vin ! – Frédéric Pourtalier se révèle d’une grande sensibilité, d’une finesse et d’un humour qui fait mouche.
Pour ce vigneron du pays, qui a décidé en 1998 de revenir au domaine familial à condition de sortir ses vins de la coopérative, l’ouverture aux autres est primordiale.
Ouverture qui va de paire avec un grand respect envers ceux chez qui il a fait ses classes, que ce soit dans le Rhône ou en Champagne. Ainsi, on retrouve dans ses vins un joli melting-pot de toutes ces expériences : des macérations très longues (35 à 40 jours pour les rouges), l’usage exclusif de levures indigènes, des élevages également longs (24 mois en barriques puis 3 à 6 mois en cuves pour les rouges comme pour les blancs), ou encore une période de 5 à 8 mois de mise sur lattes des bouteilles… Ouverture vis-à-vis des anciens aussi, de la tradition, pour en tirer les bons enseignements : « Quand t’écoutes les anciens, tu te rends comptes que les vins, faut pas trop les triturer… ». Pourtant, ce n’était pas gagné. Car dans la région, quand il a décidé de construire sa propre cave de vinification, il faisait alors une petite révolution locale : depuis son grand-père – et c’était une vérité pour toutes les exploitations ici – on apportait tout à la coopérative. Vinifier et élever ses vins, c’était du passé !
Ouverture enfin aux « étrangers », dont il me parle très vite dès qu’on aborde les particularités de ce coin du Languedoc : « Ce qui a vraiment été intéressant ici, ce sont ces gens extérieurs, comme Vincent par exemple, qui ont amené du sang nouveau, et qui, quelque part, ont permis d’effacer les guerres de clocher ». Il parle très souvent de ces nouveaux vignerons venus s’installer dans les Terrasses du Larzac, et qui selon lui ont permis d’insuffler une énergie nouvelle… et salvatrice.
C’est donc à la fois en homme déterminé qu’il est revenu au domaine, et qu’il y a imposé certains de ses choix, mais sans jamais être obtus. Un caractère qui va plutôt bien avec le décor, tiens : quand Frédéric vous emmène avec son 4×4 pour un tour des vignes, vous comprenez vite qu’ici le terroir est non seulement pentu, mais aussi légèrement caillouteux. Ça secoue sévère.
À présent que le domaine est converti en bio, Frédéric voudrait aller plus loin, notamment dans l’application de certains traitements qui relèvent de la biodynamie. Mais encore une fois, il aborde cela avec précautions et respect : « La bouse de vache, mon père, il a un peu de mal… ». Alors il y viendra, mais tranquillement : « Faut pas froisser les générations ».
Ce n’est pas qu’une question de diplomatie. C’est aussi un vrai bon sens paysan : « Il y a des préceptes que j’ai très envie de suivre, pour aller plus loin en effet, mais l’enseignement des anciens, il faut en tenir compte : on va pas aller labourer s’ils annoncent de la pluie, même si dans le calendrier biodynamique c’est le bon équinoxe et tout le tintouin ! »
Un grand vigneron, qui sait regarder ailleurs, transmettre aussi… et grandir, toujours.