Les Funambules
« On voulait aller plus loin que le bio sécuritaire ».
L’expression est lâchée, évidente de sens et d’engagements.
Le bio ? La question ne se pose pas, ils sont nés dedans. « On a eu la chance d’avoir des générations devant nous qui ont fait le travail ». Bienvenu en Alsace, terre viticole pionnière dans l’essor d’une certaine viticulture.
« Nous on voulait prendre un virage serré, avec une agronomie bien plus stricte encore, notamment un travail en agro-foresterie, associé à une vinification naturelle. »
Suzy raconte l’histoire des Funambules avec une simplicité désarmante. De la simplicité, tiens, justement, c’est exactement ça qu’avec son frangin, Gilles, et les deux amis qui ont embarqués dans l’aventure, Cyril et Guillaume, ils recherchaient. Une fois d’accord sur la reprise de terres familiales respectives et le projet de s’associer posé, la direction était limpide : parvenir à se passer d’intrants et d’interventions, revenir à des vins faits de raisins, des jus qui se transforment en vins uniquement grâce aux levures indigènes, celles issues de ces terroirs alsaciens incroyables d’identité.
Et pourtant, « faire simple, ce n’est pas facile ! » rit Suzy au souvenir de leurs doutes, lors de leurs premières cuvées sans ajout de SO2. C’est sur ce dernier point que le quatuor reste aussi souple que vigilant, depuis leur tout premier millésime, en 2019 : « Aujourd’hui, on ne met plus du tout de sulfites sur jus, mais on s’autorise à en ajouter si ça nous semble nécessaire ensuite. » L’idée étant de s’en passer totalement… mais de garantir des vins sans déviance. Ce qu’ils aiment ? « Des vins secs, frais, salins, digestes, avec de l’acidité. »
Les quatre compères ont décidé très vite d’adopter un fonctionnement collégial : « On est à égalité sur toutes les prises de décisions ». Un format pas commun, où ils ont également décidé que chacun se doit d’être polyvalent, de former l’autre à comprendre si ce n’est maîtriser ses propres tâches, afin qu’aucun membre n’hérite d’une charge mentale magistrale, souvent intrinsèque à ce métier de vigneron. Car le projet, c’est de durer, pas de s’épuiser par une passion non dosée.
On est loin de la bande de potes qui s’en va fougueusement à l’aventure du vin nature : si une véritable énergie transcende les vins (cette cuvée Nuit Blanche !), elle est formidablement cadrée par une organisation sans cesse remise sur le tapis, et une vision qui risque de les embarquer loin.
Un domaine atypique, engagée et vibrant, qui produit déjà une large gamme de cuvées aux personnalités très affirmées, preuve s’il en est de leur curiosité et de leur appétit de découvertes. Et Suzy d’expliquer qu’il leur est finalement impossible de faire autrement : « On adore travailler les cépages individuellement, les terroirs, puis jouer avec des assemblages… ». Et puis ce rappel, presque enfantin de bon sens : « De toute façon, ce qu’on aime, c’est d’aller observer et écouter ce que la vigne a à nous dire. »
Simple, non ?