Domaine Castéra

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« Les certitudes d’aujourd’hui sont les erreurs de demain. »

Franck a une vision très nette de ce qu’il veut. Pour lui, pour son domaine, pour ses vins.

Il a pris le temps. Celui de se former, de laisser grandir la passion, et puis enfin de revenir au pays avec une foule de questions et d’envies.

PARTIR… POUR MIEUX REVENIR

Avant de reprendre le domaine familial en 2014, Franck a roulé sa bosse : après des études de viti-oeno, il choisit de devenir caviste à Pau. Un passage plus que formateur, où il peut se délecter d’apprendre chaque jour un peu plus sur les vins d’ici, d’ailleurs, de partout ! La découverte d’une infinité de saveurs, de savoirs, d’émotions…. Et tout prend sens : vigneron, oui, il en fera son métier.

Il part alors dans des régions pour le moins exotiques. La Corse d’abord, où il reste près de deux ans. Puis vient l’appel du grand large : il saisit sa chance et part vinifier dans la Napa Valley puis en Afrique du Sud. Il revient en France, mais n’a pas fini de vouloir apprendre. Direction la Bourgogne pour quelques mois : il profite de la moindre opportunité pour rendre visite à d’autres vignerons. Aujourd’hui encore, dès que l’occasion se présente, il cherche à aller plus loin dans ses connaissances : ainsi ce saut de puce en Champagne en 2015, carnet et crayon à la main, pour étudier l’art du pressurage à la champenoise.

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Franck Lihour, Domaine Castéra.

JURANÇON… OU LA NATURE SAUVAGE DU BÉARN

Cette curiosité est avant tout le signe d’une immense humilité… et le témoin d’une foi incroyable en ses terroirs de Jurançon. Ces coteaux parfois abruptes du piémont pyrénéen il les aime, et il en mesure chaque jour le potentiel.

D’ailleurs, pour vous permettre de sentir, ou plutôt de ressentir au plus juste ce terroir, il vous emmènera dans ses vignes bien sûr. Les parcelles de Tauzy ou de Caubeigt, chacune se faisant face, sont impressionnantes. Mais il vous emmènera ensuite dans les vallées plus reculées, telle la vallée d’Aspe. Peu de tourisme dans ce secteur, encore moins de vignes. Mais une nature sauvage, où la présence de l’homme est restée discrète. Une lumière et des contrastes saisissants, un décor à vous couper le souffle.

Après une journée à crapahuter dans ces montagnes, vous revenez au domaine en ayant la sensation d’avoir une vision bien plus juste de ce qu’est le Béarn, et ce terroir du Jurançon.

AGITÉ ET CONTEMPLATIF ?

Franck est capable de passer d’un tempo à l’autre sans sourciller, mais ne jouera jamais la carte de l’hyperactif. Il est de ceux qui restent calme dans la tempête, capable de faire front sans s’agiter inutilement.

Et il en faut, du sang-froid, quand il s’agit d’enfiler les dizaines de casquettes que ce métier de vigneron indépendant exige. Tour à tour vinificateur, jardinier, manager, maçon, administrateur… Qu’il s’agisse de former son équipe à la taille poulsard ou d’aller présenter sa dernière cuvée parcellaire à Paris, il sourit, et ses yeux pétillent.

Quand vient l’heure de la dégustation Franck se transforme de nouveau : le voilà excité et anxieux tout à la fois. C’est l’un des plus beaux moments à vivre avec lui. Effleurer sa recherche de pureté, essayer d’approcher sa vision. Encore en élevage – Franck aime donner beaucoup de temps à ses jus – on devine pourtant déjà bien son style, qui s’affine de millésime en millésime. Une signature droite, tranchante sans être austère, et avec des notes de jolis amers sur la finale…

Il le dit, il a appris auprès des plus grands : Jean-Marc Grussaute et Guy Pautrat, ont été bien plus que des mentors, et il ne manque pas de leur rendre hommage. Et c’est au cours de grandes discussions avec ces cadors du Jurançon justement, qu’il s’est frotté à cette fameuse question : « Et moi, quel style je veux donner à mes vins ? ».

Une quête qu’il mène chaque jour, dans le choix d’un nouveau contenant pour tel bout de parcelle (à l’instar de ces fûts « cigares » pour les petits mansengs de la cuvée Caubeigt, et une partie des petits et gros mansengs de la cuvée Tauzy), ou bien dans la décision de passer tout le domaine en bio. Pas de révolution pour cette grande décision… mais une transition en douceur, pour lui-même… mais aussi pour son père : « Je voulais lui montrer qu’on n’allait pas dans le mur. Que ce n’était pas un effet de mode et qu’en passant en bio l’avenir du domaine n’allait pas être impacté. »

Loin de là, même, puisqu’aujourd’hui, après une conversion par étapes et sur plusieurs années, non seulement la totalité des vignes sont en effet en bio, mais chacun s’accorde à noter une fraîcheur et une complexité renouvelée dans les jus.

LA PASSION ET LA RAISON

Franck a vécu de près le quotidien d’un domaine. Des parents investis à 300 %, prêts à accueillir les visiteurs tous les weekends. S’il est aujourd’hui admiratif de ce que Pierrette et Christian ont su développer (« Si aujourd’hui j’ai un outil de travail hyper performant, c’est vraiment grâce à eux », dira-t-il en ouvrant les portes de sa magnifique cuverie), il est aussi vigilant, et cherche un autre équilibre pour sa famille.

Car aujourd’hui Franck est papa. Et bien décidé à investir ce rôle avec le même sérieux… et la même fougue qu’il met dans son métier de vigneron.

Peu de certitudes donc, chez ce jeune homme à l’humour franc et sincère. Il ne sait que trop bien combien elles peuvent s’avérer dangereuses… En revanche, une confiance immense dans les rencontres, et dans le chemin que celles-ci peuvent permettre à chacun de tracer pour avancer.